La suppression des papiers timbrés de dimension
Les papiers timbrés de dimension de la débite (c'est-à-dire les papiers fournis par l'Administration) ont été supprimés à compter du 1er janvier 1987. (Article 25 I de la loi n° 86-1318 du 30 décembre 1986 dite loi de finances rectificative pour 1986. JORF du 31 décembre 1986 page 15873)
Au 31 décembre 1986, l'article 887 du C.G.I. était ainsi rédigé :
" La contribution du timbre est acquittée, selon les modalités et conditions fixées par décrets, soit par l'emploi de papiers timbrés de la débite, soit par l'emploi de machines à timbrer, soit par l'apposition de timbres mobiles, soit au moyen du visa pour timbre, soit sur déclaration ou sur la production d'états ou d'extraits, soit à forfait. "
Voici un exemple d'un entier fiscal de la débite qui va illustrer certains de nos propos du jour :
Papier normal (A3 : 42 x 29,7) Filigrane 1982
Cet entier fiscal non daté remonte à 1985 ; c'est le document avec l'utilisation la plus tardive d'un papier timbré de dimension de la débite de ma collection. (Remarque : on peut faire mieux par exemple avec un tarif de 1986 à 60 francs pour ce même format de feuille)
Pourquoi l'ai-je daté de 1985 ? En voici l'explication. Pour ce faire, voici le même document annoté :
1. Situation de départ : un papier timbré de la débite au format papier normal (A3 : 42 x 29,7). Empreinte humide au type " Godard-Monier " à 36 francs. Tarif de 1982 : Loi n° 81-1160 du 30 décembre 1981 - art. 41 IV (entrée en vigueur au 1er janvier 1982)
2. Contre-timbrage par la contremarque " COMPLEMENT PAYE AU TARIF DE 1983 ". Le tarif applicable est alors de 44 francs. (Loi n° 82-1126 du 29 décembre 1982 - art. 37 ; entrée en vigueur au 15 janvier 1983). L'administration a donc perçu un complément de timbre de 8 francs avant d'apposer la contremarque.
3. Nouveau complément de timbre mais cette fois-ci au moyen de timbres mobiles de la série unifiée pour un montant de 12 francs. Ce qui nous donne un total de la feuille de 56 francs correspondant au tarif de 1985. (Loi n° 84-1208 du 29 décembre 1984 art. 27 II ; entrée en vigueur au 15 janvier 1985) (1)
En supprimant les papiers timbrés de dimension de la débite, l'Etat met fin à un mode de recouvrement du droit de timbre qu'on peut qualifier d'archaïque, sachant par ailleurs que ces entiers fiscaux présentaient des inconvénients rédhibitoires tant pour l'Administration que pour les contribuables.
Principaux inconvénients (ceux-ci étant particulièrement marquants dans la période moderne) des papiers timbrés :
Pour l'Administration :
- celle-ci devait stocker dans les recettes-perceptions le papier comportant les tarifs préimprimés et devait les surcharger, voire en imprimer de nouveaux modèles, à l'occasion des changements tarifaires qui s'accéléraient depuis le milieu des années 70 (changement pratiquement tous les ans) ;
- le coût de confection de ces papiers timbrés (notamment pour obtenir du papier filigrané) ainsi que celui de leur stockage et leur manutention était exorbitant eu égard au service rendu ;
- il existait d'autres moyens plus fonctionnels : les timbres mobiles bien sûr, mais également le visa pour timbre. Par ailleurs, il pouvait être fait usage par les redevables de papiers ordinaires de formats identiques à ceux du papier timbré de la débite, le paiement des droits étant effectué sur état, c'est-à-dire par un simple tampon des receveurs.
Pour les contribuables :
- Ces papiers de la débite devaient être retirés par les usagers préalablement à leur emploi pour les minutes, originaux, copies, extraits et expéditions des actes écrits prévus à l'article 899 du code général des impôts (notamment les écrits et les actes notariés) ;
- Par ailleurs, lorsqu'ils étaient utilisés dans des actes et écrits assujettis aux droits d'enregistrement, ils devaient à nouveau être transmis aux services de l'enregistrement, ce qui entraînait une perte de temps (et donc d'argent) pour les redevables ;
- Les changements de tarifs imposaient de fréquentes mises à jour des tarifs des papiers timbrés, ce qui supposait là encore des déplacements et une perte de temps bien inutile ;
- En cas de stockage déficient, les papiers pouvaient être détruits ou perdus ;
- Pire encore, en cas de mauvaise rédaction sur les papiers timbrés, il fallait recommencer son travail sur un autre document et le papier timbré originel était alors tout bonnement destiné à la poubelle (Ce qui revenait cher, convenons-en, pour du brouillon)
En définitive, ces papiers de la débite ne présentaient au final que des inconvénients. Alors pourquoi a-t-il fallu attendre 1987 pour que ceux-ci soient supprimés ?
La réponse n'est pas bien compliquée. L'Administration des finances, plus encore que l'Administration dans son ensemble, a toujours été particulièrement conservatrice (2). (Souvenez-vous de l'exemple du Minitel lancé à l'origine par les PTT et fermé seulement en 2010 par France Télécom alors qu'il ne générait plus que 200 000 € de chiffre d'affaires et qu'internet (avec des atouts incomparables) existait en France depuis plus de 15 ans. Source Wikipedia).
Dès lors, j'imagine aisément que ces papiers timbrés ont été supprimés parce qu'il n'y avait pratiquement plus, si ce n'est plus du tout, d'utilisateurs (malheureusement, je n'ai pas pu trouver les chiffres concernant le montant des ventes de papier timbré dans les années 80)
Pour finir, revenons à notre document. Il illustre parfaitement un certain nombre de défauts des papiers timbrés : mises à jour fréquentes de tarifs et surtout perte financière sèche (56 francs de 1985 soit un peu plus de 15 € d'aujourd'hui), ce papier n'ayant finalement jamais été utilisé.
En conclusion : les papiers timbrés de dimension de la période moderne méritent d'être soigneusement conservés. Il y a vraisemblablement des raretés parmi eux.
(1) Ces tarifs proviennent de ma base de données sur les tarifs fiscaux du XXème siècle dont un extrait concernant le timbre de dimension est disponible en cliquant sur ce lien :
(2) Pour ne pas être trop mauvaise langue, je me dois de préciser que l'Administration des finances a su remarquablement intégrer par la suite les progrès technologiques. Un exemple suffira, toujours avec cet article 887 modifié par l'Ordonnance n°2005-1512 du 7 décembre 2005 - art. 5 JORF 8 décembre 2005
ART. 887 du C.G.I. : " La contribution du timbre est acquittée, selon les modalités et conditions fixées par décrets, soit par l'emploi de machines à timbrer, soit par l'apposition de timbres mobiles, soit au moyen du visa pour timbre, soit sur déclaration ou sur la production d'états ou d'extraits, soit par la voie électronique au moyen d'un timbre dématérialisé. "