Mais que fais-tu donc là petit effet de commerce ?
Les reçus, écrits dans lesquels une personne reconnaît avoir reçu une somme d'argent ou un objet mobilier à titre de paiement, de dépôt, de prêt ou de mandat, ne présentent, en principe, aucun intérêt pour le collectionneur de timbres fiscaux, tant ces documents sont courants.
On se souvient que c'est la loi du 23 août 1871, dans son article 18, qui a soumis au droit de timbre " Les quittances ou acquits donnés au pied des factures et mémoires, les quittances pures et simples, reçus ou décharges de sommes, titres valeurs ou objets et généralement tous les titres de quelques natures qu'ils soient, signés ou non signés, qui emporteraient libération, reçu ou décharge […] "
Ce droit de timbre fut perçu, dès le 1er décembre 1871 et jusqu'à l’apparition du timbre fiscal unifié en 1925, par les bien connus timbres de quittances. (Yvert et Tellier QT n° 1 à 31)
Maudits timbres de quittances !
Que de faux espoirs mis en eux par le débutant en philatélie fiscale qui va comprendre très rapidement, hélas, que les reçus qu'il a récupérés ici ou là n'ont aucune valeur.
Comment pourrait-il en être autrement d'ailleurs ? Si j'osais la comparaison, je dirais que les reçus avec un timbre de quittances sont l'équivalent en philatélie postale d'un courrier ordinaire affranchi par le plus banal des timbres d'usage courant.
Point n'est besoin d'illustrer notre propos ; les faciales à 25 centimes, 50 centimes, 1 franc sont désespérantes lorsqu'elles défilent sur le paquet de documents que vous êtes en train de trier. L’apothéose est atteinte lorsque vous comprenez que le petit carnet de quittances de loyer des années 20 dégoté dans un vide-grenier et dans lequel s'étale la litanie des quittances à 50 centimes n'a aucune valeur.
Ces remarques faites, vous avez certainement constaté malgré tout que cela n'empêche pas certains vendeurs de proposer sur les sites d'enchères des reçus quittancés en quantité astronomique et à des tarifs prohibitifs.
Alors tout est-il bon à jeter dans les reçus revêtus de timbres de quittances ?
En règle générale, oui !
En effet, pour le collectionneur de fiscaux, la quasi-totalité des quittances ne présentent pas d'intérêt ; mais il y a des exceptions, et c'est l'exception qui confirme la règle dit-on.
Voyez ce document :
Il s'agit d'un reçu d'une somme de 185,03 francs délivré par le bureau de l'enregistrement n° 44 (Allègre en Haute-Loire) le 12 août 1920. Bref pas de quoi casser trois pattes à un canard, surtout après ce que je viens de vous dire.
Attention toutefois, sur ce document figure un timbre à 50 centimes qui n'est pas un timbre de quittances ; voilà qui sort de l'ordinaire dirait-on.
Au premier coup d’œil, vous avez identifié ce timbre : bravo, il s'agit effectivement d'un timbre d'effets de commerce de la série de 1900 qui, a priori, n'a aucune raison de figurer sur un reçu.
Mais que fais-tu donc là petit effet de commerce ?
Voici la réponse :
La loi du 25 juin 1920 abroge la loi du 31 décembre 1917 (loi instituant la taxe sur les paiements) dont l'application se révélait compliquée à l'usage et fait revivre le droit de timbre de quittance gradué institué par l'article 28 de la loi du 15 juillet 1914, mais avec des tarifs plus élevés :
- 0,25 F. pour les sommes n'excédant pas 100 francs ;
- 0,50 F. pour les sommes au-dessus de 100 francs jusqu'à 1 000 F. ;
- 1 F. pour les sommes supérieures à 1 000 F.
En attendant l'impression des timbres à ce nouveau tarif, l'instruction n° 3626 de la direction générale de l'enregistrement, des domaines et du timbre a prévu une utilisation transitoire de divers fiscaux : " L'impôt continuera d'être acquitté, soit au moyen de l'apposition de timbres mobiles, soit par le timbrage à l'extraordinaire [...]. Provisoirement, jusqu'à la création de nouvelles figurines, il pourra être fait emploi, à cet effet, des timbres de quittances déjà existants, et, en cas de besoin, de tous autres timbres mobiles notamment des timbres en usage pour les effets de commerce, à la seule exception des timbres-poste. II suffira que les timbres apposés représentent une valeur égale au montant du droit de timbre exigible. "
NB : en réalité, les timbres d'effets de commerce n'auraient jamais dû être utilisés sur les quittances et reçus. En effet, le décret du 28 juillet 1920 (article 13) n'autorisait que l'emploi des timbres de quittances des émissions précédentes et ceux de la taxe sur les paiements qui venait d'être supprimée ; seule la réglementation prévue par le décret était applicable, les instructions (en l'espèce l'instruction n° 3626) n'ayant aucune valeur juridique.