Au bistrot, l'addition est salée !
De temps en temps dans les bistrots, on peut lire quelques messages humoristiques à l'attention de la clientèle. Celui-ci à ma préférence : " Ceux qui boivent pour oublier sont priés de payer d'avance ".
Mais avant de servir les chalands au gosier asséché et à la mémoire potentiellement défaillante, le propriétaire du fonds était tenu d'acquitter un droit prévu à l'article 960 I alinéa 1 du Code général des impôts.
Que dit cet article ?
" Une taxe de XXX F est perçue pour la délivrance de l'autorisation ou du récépissé de déclaration d'ouverture de débits de boissons de troisième ou quatrième catégorie, ainsi que de translation ou de mutation de ces débits. "
Le montant de cette taxe a toujours été élevé, en voici un exemple sur ce document de 1990 portant mutation d'un débit de boissons :
Montant de la taxe : 1 770 francs (soit environ 410 € d'aujourd'hui). Tarif du 29 décembre 1983 (Loi 83-1179, art. 12 ; JORF du 30 décembre 1983)
Sur le plan philatélique, ce document est délectable car il comporte la quotité à 1 500 francs, la plus haute faciale en nouveaux francs mise en circulation.
Cette faciale était spécifiquement destinée au règlement de la taxe sur les débits de boissons, mais tous les bureaux n'en étaient pas approvisionnés car une feuille de 50 de cette valeur représentait la somme astronomique de 75 000 francs (environ 17 500 € d'aujourd'hui *). Aussi, la plupart des documents constatant la taxe furent-ils timbrés avec 3 exemplaires de la quotité à 500 francs.
Ce timbre est une des meilleures valeurs de la période moderne. Neuf, il est presque introuvable, on comprend aisément pourquoi.
J'aurais pu m'en procurer un exemplaire à l'époque. En effet, en 1990, je débutais en philatélie fiscale, je m'étais rendu au Trésor public de la bonne ville de Nancy où j'étais alors étudiant et avais demandé à la préposée aux timbres fiscaux si le bureau disposait de cette faciale.
Cette personne m'avait présenté une feuille sur laquelle seuls deux exemplaires manquaient. Elle me dit en toute simplicité : " Combien en voulez-vous ? "
" C'était juste pour voir si vous en aviez " répondis-je alors.
Je pris immédiatement la poudre d'escampette, laissant mon interlocutrice pantoise devant cet illuminé qui n'avait rien d'autre à faire cette après-midi là que de venir perturber la quiétude de l'Administration pour admirer des timbres qu'il ne pourrait jamais s'offrir.
* Compte tenu de l'érosion monétaire due à l'inflation, 75 000 francs de 1990 ne valent pas 11 432 € mais environ 17 500 € de 2018. Voir Insee