Deux projets d'Oudiné sortent de l'ombre
Deux projets d'Oudiné pour les effets de commerce viennent de sortir de l'ombre après presque 150 ans d'oubli.
Voici le premier de ces deux projets :
Cette maquette sur collodion, d'une grande finesse artistique, exalte l'Empire avec la présence de l'effigie laurée de Napoléon III surmontant une aigle impériale éployée.
Mais dans quel contexte cette maquette a-t-elle été réalisée ? Essayons d'y voir plus clair.
Eugène-André Oudiné, fut le graveur de l’Atelier général du timbre de 1837 à 1887. C'est en cette qualité de graveur que l'Administration lui a demandé, vers le milieu de l'année 1870, d'étudier un nouveau type pour les timbres fiscaux d'effets de commerce.
En effet, l'emploi des timbres proportionnels, qui était réservé jusqu'alors aux effets de commerce venant de l'étranger ou des colonies, allait être étendu à ceux qui seraient créés en France.
Cette modification substantielle va être actée à l'article 6 de la loi du 27 juillet 1870 : " Le droit de timbre auquel sont assujettis les effets de commerce créés en France pourra être acquitté par l'apposition de timbres mobiles ".
Sur cette maquette, les mentions sont des plus lapidaires : " TIMBRE IMPERIAL - EFFETS DE COMMERCE ". Par ailleurs, contrairement aux timbres du type " Napoléon lauré " de Barre, la quotité et les montants de l'effet ne sont pas apposés en surimpression, mais sont intégrées dès l'origine au timbre : " 10. F. - 19000 a 20000.F ".
Oudiné réalisa une seconde maquette, datée et signée ce qui nous permet de confirmer de manière certaine le contexte de réalisation des deux projets présentés dans cet article.
Ce second projet diffère légèrement du projet précédent. Il est prévu que la quotité et les montants de l'effet " 10. F. - 19000 a 20000.F " soient apposés en surimpression rouge. Mais le travail de l'artiste porte ici essentiellement sur les mentions relatives à l'annulation du timbre.
On le sait, l'Administration se montrait particulièrement attentive à l'annulation des timbres fiscaux mobiles et plus encore à celle des timbres d'effets de commerce qui étaient apposés par les redevables et annulés par eux.
L'utilisation de timbres ayant déjà servi prenait un caractère quasi-obsessionnel. Dès l'origine du timbre mobile, l'article 3 du décret du 18 janvier 1860 indiquait les modalités d'annulation des timbres d'effets de commerce : " Le timbre mobile sera apposé sur les effets pour lesquels l'emploi en est autorisé, avant tout usage de ces effets en France […] après avoir apposé le timbre, [l'utilisateur] l'annulera immédiatement, en y inscrivant la date de l'apposition et sa signature ".
Manifestement, en dépit de rappels réguliers de l'Administration, certains redevables ne se conformaient pas toujours scrupuleusement à la réglementation.
Sur le second projet d'Oudiné, figurent la date " 15 juillet 1870 " (en toutes lettres, ce qui présente l'avantage de limiter les falsifications mais occupe beaucoup de place), la signature " Oudiné " mais également un élément supplémentaire, le lieu ici " a Versailles ".
Les modalités définitives d'annulation des timbres d'effets de commerce seront précisées ultérieurement à l'article 4 du décret du 19 février 1874 : " Art. 4. — Chaque timbre mobile est oblitéré au moment même de son apposition, savoir : par le souscripteur pour les effets créés en France [...]
L'oblitération consiste dans l'inscription à l'encre noire usuelle et à la place réservée à cet effet sur le timbre mobile :
1° Du lieu où l'oblitération est opérée ;
2° De la date (quantième mois et millésime) à laquelle elle est effectuée ;
3° De la signature, suivant les cas prévus en l'article précédent, du signataire de l'effet, de l'acceptation, de l'aval, de l'endossement ou de l'acquit. ".
Ces deux maquettes n'eurent pas de suite. On n'en connaît pas d'épreuves ni, a fortiori, d'essais qui auraient été gravés.
Pourquoi ces deux projets n'aboutirent pas à la réalisation de timbres fiscaux ? C'est fort simple, le 4 septembre 1870, à la suite de la défaite de Sedan, le Second Empire prenait fin. Il aurait alors été totalement incongru de mettre en circulation des timbres à l'effigie du régime déchu.
Tout n'était cependant pas perdu pour Oudiné, car c'est lui qui allait par la suite être à l'origine du type utilisé entre 1874 et 1885 pour les effets de commerce.